Plusieurs expressions imagées de la langue française font référence à l’ombre : avoir peur de son ombre, courir après une ombre (qui veut dire se faire des illusions), n’être plus que l’ombre de soi-même… L’ombre peut parfois générer des frayeurs lorsque l’imagination s’emballe, surtout chez les enfants que l’on nomme communément : la peur du noir. Effectivement, depuis la nuit des temps (sans vouloir faire de jeu de mots), l’humain associe l’ombre à quelque chose de mystérieux, parfois à un monde du rêve ou de l’imaginaire. Plusieurs artistes dans l’histoire de l’art ont exploré cette forme d’expression comme matière à générer la créativité dans leurs œuvres. L’ombre est génératrice de récits de personnages et d’environnements fantastiques, où l’imagination et l’émerveillement du spectateur sont grandement sollicités.
Un peu d’histoire…
Certaines hypothèses avanceraient que les animaux peints dans les grottes de la préhistoire auraient été faits à partir de la projection des ombres de figurines sculptées ou modelées. Afin de produire ce bestiaire fantastique, les hommes de la préhistoire auraient utilisé la flamme de torches de feu ou même des formes de lampes à l’huile réalisées à l’aide de graisse animale permettant de projeter à grande échelle, les ombres des silhouettes des animaux sur les parois rocheuses pour en tracer les contours. Ce serait peut-être l’origine du théâtre d’ombres chinoises.
Sources consultées
(X) DAVID, Bertrand et Jean-Jacques Lefrère. La plus vieille énigme de l’humanité. Ed. Fayard, Paris, France, 2013.
Giorgio de Chirico et les ombres métaphysiques
La peinture de Giorgio De Chirico se caractérise par des paysages urbains étranges et désertés, empreints d’une atmosphère irréelle et emblématique, où des éléments symboliques et surréalistes se mêlent. Son utilisation de la perspective et des ombres crée un sentiment d’étrangeté et de mystère, en mettant en avant le pouvoir de l’inconscient et de l’imagination dans la représentation artistique. L’on considère aujourd’hui les œuvres du peintre de Giorgio de Chirico comme une influence importante au mouvement surréaliste. En effet, il produira plusieurs œuvres où les ombres se trouvent accentuées, entre autres, celles des architectures et des monuments, mais aussi celles d’un personnage dont le corps réel n’est pas visible dans la composition. Aussi, les ombres sont figurées de manière non logique par rapport à la situation de la source lumineuse dans de mystérieuses compositions théâtrales. Parfois aussi, les ombres sont représentées comme d’étranges silhouettes nous tournant le dos.
Sources consultées
(X) LEGRAND, Gérard. « DE CHIRICO GIORGIO – (1888-1978) », Encyclopædia Universalis [En ligne] [https://universalis-rdl.proxy.collecto.ca/encyclopedie/giorgio-de-chirico/] (Consulté le 30 septembre 2022].
En 1914, alors qu’il vivait à Paris, Giorgio De Chirico peint « Mystère et mélancolie d’une rue », faisant partie de sa période « métaphysique » (vers 1909-1919). Ce tableau s’inscrit dans une série d’œuvres de cette époque qui présentent des éléments similaires. De Chirico était particulièrement marqué par l’architecture des villes de Turin et Florence, qu’il considérait comme ayant un caractère métaphysique en raison de leur agencement spatial. Les arcades de ces villes étaient perçues comme des cachettes de secrets, tandis que les contrastes marqués entre ombres et lumière soulignaient l’absence énigmatique de présence humaine, créant une sensation d’enfermement dans des espaces étroits et inaccessibles. Les ombres allongées et prononcées, résultant de la lumière latérale rasante, renforçaient l’ambiance mystérieuse d’une place vide et créaient une profondeur saisissante dans le paysage.
Sources consultées
(X) « Mystère et mélancolie d’une rue », [En ligne], dans Wikipédia, [http ://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Myst%C3%A8re_et_m%C3%A9lancolie_d%27une_rue&oldid=175082835] (Consulté le 27 septembre 2020).
(X) STOICHIȚĂ, Victor (trad. de l’allemand). Brève Histoire de l’ombre, Genève, Droz, 2000, 264 p., p. 145-147
(X) CROSIO, Roberto. Spazi metafisici di Giorgio De Chirico, [archive].
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Pablo Picasso, le jeu des ombres
Picasso peintre connu pour avoir fondé, aux côtés de George Braque, le mouvement artistique du cubisme au début du XXe siècle. D’abord, il s’amuse à juxtaposer sur le portrait de sa maîtresse Marie-Thérèse Walter, l’ombre d’une autre femme, Dora Maar, qu’il aurait rencontré un an plus tôt. Par la suite, inspiré d’un autoportrait photographique de son ombre propre réalisé en 1927 l’artiste produira d’étonnantes ombres projetées sur le corps de son modèle féminin sur la toile. S’agit-il de l’ombre du peintre?
Sources consultées
(X) TERRASA, Jacques. Picasso. L’ombre du récit portée sur le tableau (L’Ombre sur la femme et L’Ombre, 1953), Cahier de Narratologie, analyse et théorie narratives, Open Edition Journal, 2009. [https://journals.openedition.org/narratologie/992].
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Andy Warhol et les ombres
Andy Warhol est d’un des artistes majeurs de la scène du Pop art américain. Il est surtout et d’abord connu pour avoir réalisé d’innombrables sérigraphies et peintures de produits de la consommation populaire comme les boîtes de soupe Campbell, les bouteilles de Coca-Cola… ou encore des images de célébrités Marilyn Monroe, Mick Jagger… Malgré l’apparence populaire et joyeuse de ses œuvres, cet artiste était aussi obsédé par mort. Ainsi, il produira une série d’images prélevées dans les journaux relatant des accidents de la route ou d’avion ayant causé plusieurs décès. Ou encore une séquence d’images prenant comme sujet principal, la chaise électrique.
Une œuvre magistrale d’Andy Warhol est cependant beaucoup moins connue, puisqu’il y relate sa propre peur de la mort, qu’il a frôlée de près lorsqu’il s’est fait tirer dessus à bout portant par une femme de son entourage (Valérie Solanas). Contrairement à ses habitudes d’œuvres figuratives, il réalise en 1978, alors âgé de 50 ans, une immense fresque presque abstraite, constituée de 102 sérigraphies reproduites en plusieurs couleurs. Shadows est une mise en scène immersive qui à l’origine avait été conçue pour couvrir tous les murs d’une gigantesque salle d’exposition où chaque panneau était disposé côte à côte, offrant au spectateur un parcours à découvrir par la déambulation dans l’espace semblable à un chemin de croix.
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Sources consultées
(X) CASCONE, S. « Shows & Exhibitions. Andy Warhol’s Epic ‘Shadows’ Will Be Shown in New York City for the First Time in 20 Years », [En ligne], dans Art Net News, 2018. [https://news.artnet.com/art-world/andy-warhols-shadows-dia-new-york-1325423].
(X) PERSPECTIVE. « Andy Warhol: An American Prophet (Art History Documentary) | Perspective », YouTube, 2022. [https://www.youtube.com/watch?v=-TzAmuT1LY4&t=8s].
(X) GUGGENHEIM BILBAO, Andy Warhol Shadow, organisé par Dia Art Foundation, 2016. [https://www.guggenheim-bilbao.eus/en/exhibitions/andy-warhol-shadow].