Dès les prémices de l’humanité, l’homme a senti le besoin de s’inventer des outils pour accompagner ses tâches quotidiennes (chasser, cueillir, se protéger…), mais aussi afin d’exprimer sa créativité. Ainsi, les hommes et femmes de la préhistoire ont utilisé des branches brûlées pour dessiner sur les parois rocheuses, ont confectionné des pinceaux avec des plumes et des poils, ont découpé des caches dans des peaux d’animaux et ont aussi inventé des propulseurs de peinture à l’aide de tube en os creux ou en roseau. Tous ces outils, et bien plus encore, ont servi à laisser des traces artistiques de leurs passages dans l’histoire de l’humanité.

Il est souvent nécessaire pour les artistes d’inventer des outils afin de pousser encore plus loin leur créativité. Ces outils peuvent prendre différentes formes, allant des simples instruments pour dessiner, peindre ou sculpter, jusqu’à des technologies informatiques complexes. En développant de tels outils, les artistes sont en mesure d’explorer de nouvelles possibilités et de repousser les limites de leur expression artistique. Ces inventions artistiques leur permettent de concrétiser des idées uniques, de développer des styles distinctifs et de donner vie à des concepts qui auraient été difficiles à réaliser avec les outils traditionnels.

L’histoire de l’art regorge d’exemples où les artistes s’inventent des outils afin de contourner un handicap physique ou pour tenter d’être plus efficaces et rapides. D’un autre côté, la confection de nouveaux outils d’expression peut répondre à un besoin de l’artiste de chercher à se détacher du rapport direct avec le support ou la matière utilisés, ou encore pour provoquer des gestes moins contrôlés par la raison, toujours dans le but de pousser plus loin le geste créateur.

Pour ne nommer ici que quelques exemples d’inventions qui ont pu révolutionner le monde de l’art, la « camera obscura », ancêtre de l’appareil photographique, était à l’origine une petite pièce obscure dans laquelle la lumière pénétrait par une minuscule perforation unique, qui permettait de projeter une image inversée de la scène extérieure sur le mur opposé. Utilisée depuis l’Antiquité, elle servait au départ à observer les éclipses solaires sans être dangereux pour les yeux. Elle fut ensuite utilisée au XVIe siècle comme aide au dessin. Des versions portables ont été développées, par la suite, avec un intérieur peint en noir et une image réfléchie par un miroir incliné. L’introduction d’une plaque sensible à la lumière a été réalisée par J.-N. Niepce et marquera plus tard, par le développement d’un procédé similaire à la gravure, le début de la photographie.

Léonard da Vinci est peut-être l’un des artistes les plus connus ayant, par ses inventions diverses, fait évoluer le monde de l’art et de la science. Pourtant, bien d’autres artistes de la période de la Renaissance auront inventé des instruments qui ont fait évoluer le monde de la création. Par exemple, Brunelleschi qui met au point la « travoletta » qui permet de projeter les lignes de perspectives architecturales à un point de fuite à l’aide d’un instrument muni d’un miroir.

L’imprimerie est aussi un procédé qui a considérablement fait évoluer le monde de l’art permettant de reproduire un texte ou une image à plusieurs exemplaires. Cette technique est dérivée de la gravure développée au IIe siècle par les Chinois afin de reproduire des dessins d’images sur des tissus. À partir du Xe siècle, l’imprimerie est pratiquée en Asie à partir de gravure sur bois. Au Moyen-âge le travail des moines copistes qui recopiaient les textes à la main était jusqu’alors le seul moyen de reproduire un texte. Vers 1454, l’allemand Johannes Gutenberg, orfèvre de formation, mettra au point la technique pour reproduire les textes à partir de caractères amovibles en métal, ce qui révolutionnera le monde de la transmission des savoirs et de la pensée.  

Références consultées

(X) AUGUSTYN, Adam. camera obscura, photography, [En ligne], dans « Encyclopédia Britanica », [https://www.britannica.com/technology/camera].

(X) ANTONUCCI, Jean-Luc. « Perspective en construction », [En ligne], dans Entrelacs 5, 2005, mis en ligne le 1er août 2012, [http://journals.openedition.org/entrelacs/162] (consulté le 26 juin 2023).

(X)LUCRÈCE. Johannes Gutemberg : Invention de l’imprimerie, [En ligne], dans « Histoire pour tous », 2022. [https://www.histoire-pour-tous.fr/inventions/307-invention-de-imprimerie.html].

(X) Silka P et Andrey V. The Serious Relationship of Art and Technology, [En ligne], dans « Widewalls », 2017. [https://www.widewalls.ch/magazine/the-serious-relationship-of-art-and-technology].

Un peu d’histoire…

Dans leurs quêtes de nouveaux espaces d’expression, afin de pousser plus en avant le geste créateur ou de provoquer l’inattendu, plusieurs artistes vont inventer des outils qui leur permettront de dépasser les limites de leurs corps ou de leur conscient. L’exploration de la création par l’invention de nouveaux outils leur donnera l’occasion de repousser les limites établies des modes d’expression connus.

Henri Matisse dessinant La danse, 1931
Henri Matisse dessinant La danse, 1931 © Henri Matisse, Licensed by DACS / CARCC Ottawa 2024

Henri Matisse et la canne de bambou 

Peintre associé à la période fauve du modernisme, vers les années 1900, Matisse voit rapidement les limites de la technique de la mise à carreau* afin d’agrandir ses esquisses pour ses grandes œuvres. C’est ainsi qu’il décide de travailler au format réel de l’œuvre et fait installer des toiles aux emplacements définitifs de ses murales. Il trace les lignes du dessin à l’aide d’un fusain fixé au bout d’un long bâton de bambou. Cette manière de tracer demande une grande précision du geste. Matisse utilisera cette technique tout au long de sa carrière de peintre. Cependant, comme c’est un outil particulièrement difficile à manier, ce sera pour lui, surtout vers la fin de sa vie, une manière de perdre le contrôle.

Explore les œuvres suivantes de l’artiste

Sources consultées

(X) Yve-Alain Bois (intervenant), Elitza Dulguerova (responsable scientifique), Matisse et le coup du bambou, Sites Colbert et Richelieu Conférence, INHA institut National d’histoire de l’art, 2017. [https://www.inha.fr/fr/agenda/parcourir-par-annee/en-2017/mai-2017/matisse-et-le-coup-du-bambou.html].

(X) ROUSSEY, B. Matisse – La Danse De Mérion 1933, [En ligne], dans « Blablaarts], Expositions – Beaux-Arts, publié depuis Overblog, [http://blablaarts.over-blog.com/2020/04/matisse-la-danse-de-merion-1933.html] (Consulté le 18 avril 2020).

Hans Hartung dans son atelier d’Antibes, 1975
© Hans Hartung / ADAGP, Paris / CARCC Ottawa 2024, François Walch / ADAGP, Paris / CARCC Ottawa 2024
Hans Hartung dans son atelier d’Antibes, 1975
© Hans Hartung / ADAGP, Paris / CARCC Ottawa 2024, François Walch / ADAGP, Paris / CARCC Ottawa 2024

Hans Hartung 

Inventeur de multiples procédés picturaux

Considéré comme un important représentant de l’abstraction lyrique du XXe siècle. Ce peintre sera un grand explorateur de techniques picturales par son utilisation d’outils des plus insolites. Suite à une blessure subie à la jambe lors de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste cherche à contourner son handicap par l’invention d’outils et de techniques de peinture. C’est ainsi qu’il se servira tantôt de grandes branches d’arbustes qui poussent dans son propre jardin, afin de se constituer des pinceaux comme des brosses de balai. D’autres fois, il modifiera des râteaux afin de créer des sortes de peignes pour appliquer la peinture par sillons sur la toile. Il trouve aussi des manières de bricoler son aspirateur afin de propulser la peinture sur le support. Chaque fois qu’il devient maître d’une technique picturale, Hans Hartung cherche un nouvel outil dans le but de cultiver la spontanéité et renouveler sa créativité.

Explore les œuvres suivantes de l’artiste

Sources consultées

(X) PRUDHOMME, Anna. Hans Hartung, l’artiste qui peignait au pistolet ou au râteau, Numéro art, 223, 23 octobre 2019.

[https://www.numero.com/fr/numeroart/hans-hartung-fabrique-geste-retrospective-musee-art-moderne-mam-peintre-allemand-abstractionisme-lyrique-numero-magazine].

Certains artistes modernes ou contemporains vont choisir de sortir des sentiers battus en renonçant aux outils et aux techniques traditionnelles comme le pinceau, le crayon, le ciseau. Ainsi, l’invention d’outils d’expression artistique peut aussi être à caractère performatif, en ce sens que l’artiste utilise cet outil dans le but de faire une performance artistique devant public utilisant différentes techniques tout en impliquant le corps d’une manière directe ou indirecte. Le public pourra parfois être utilisé, comme outil s’il est appelé à participer physiquement à l’action de la performance. Cette action est éphémère, mais souvent laissera une trace qui témoigne de l’événement qui a eu lieu sous forme d’une œuvre achevée, ou en tant qu’archive filmée, photographiée. 

Aujourd’hui, plusieurs artistes contemporains choisissent avec audaces de tester de nouvelles technologies qui sont dorénavant accessibles aux arts visuels.

Objectifs standards visés

054A

Appliquer des techniques de peinture dans une perspective de création.

054B

Exploiter des modes de création actuels en peinture dans une perspective de démarche artistique.

054D

Exploiter des modes de création actuels en sculpture dans une perspective de démarche artistique.

054E

Créer des images photographiques dans une perspective artistique.

054F

Appliquer des techniques de traitement de l’image numérique comme mode de création artistique.

0549

Exploiter le dessin comme mode de création.