La technique de la créativité de l’accumulation peut être adaptée à tous les modes d’expressions spécifiques aux arts visuels comme la photographie, le dessin, la peinture, la sculpture, la vidéo, l’art sonore, le bio art… Le principe est simple, il s’agit de collecter plusieurs éléments, répéter un geste plusieurs fois. Combiner plusieurs éléments c’est assez facile en soi. Par contre, qu’en est-il du sens de lecture de l’œuvre ou du message à transmettre par l’accumulation? Que va vouloir dire cet amoncellement d’éléments? Quelle est la philosophie, la pensée sous-jacente à cette idée d’impressionner le public par la quantité? Pour aborder ces exercices, afin de développer une émotion ou un message à transmettre par ton œuvre, il t’est recommandé de choisir l’une des formes d’exploration du concept de l’accumulation énumérée plus haut :
- Exploration formelle
- Exploration conceptuelle
- Narration ou commentaires sociaux
- Processus de méditation ou de rituel
- Intervention engagement envers la communauté
Aussi, étant donné que la technique de l’accumulation d’éléments, de gestes, d’objets peut devenir un processus très laborieux, il t’est d’abord conseillé de faire un ou plusieurs tests et/ou échantillons de la technique que tu souhaites explorer afin d’être en mesure d’estimer le temps requis à partir de la réalisation de ton essai. Les connaissances en mathématique et physiques peuvent ici être d’un grand secours. Par exemple, afin de calculer le temps, le volume, la surface, la quantité requise…
Exemple : Combien de minutes seront nécessaires afin de couvrir une portion de 25 cm x 25 cm d’une surface de l’échantillon de ton support? Combien de temps sera requis pour couvrir une surface de 300 x 300 cm? Combien de matériel sera requis?
Exercice 1 : Les petites choses – exploration conceptuelle
Qu’advient-il si l’on utilise un objet minuscule et que l’on multiplie cet élément à l’infini afin d’atteindre des proportions monumentales? L’exercice consiste à trouver un élément insignifiant de ton environnement. L’idéal est de choisir un élément facilement accessible et peu coûteux, comme des aliments secs, graines, pois, pâtes alimentaires, feuilles d’arbres, pétales de fleurs, perles, timbres, images imprimées, papiers, bouchons, cannettes, bouteilles de plastique, etc.
Consignes
Une fois que tu auras collecté un nombre suffisant de l’élément que tu auras choisi (assez pour couvrir une surface de 25 cm x 25 cm), pense à une composition, une forme, une structure, un moyen d’assemblage ou de présentation afin de rendre l’insignifiant, signifiant. Que souhaites-tu exprimer avec cette accumulation? Utilise un message écologique, une réflexion méditative ou une forme esthétique pour t’aider dans ta recherche de concept. Manipule les éléments récoltés et place-les dans diverses positions et photographie-les. Fais une recherche sur la symbolique de ton élément choisi. Par exemple, les pétales de roses sont souvent associés à la cérémonie du mariage.
Une fois la forme de la composition et la symbolique trouvées, réfléchis ensuite à un moyen de reproduction rapide du geste, de l’assemblage. L’œuvre peut demeurer conceptuelle à partir d’un fragment. Il est aussi possible d’imaginer des solutions exponentielles, comme le moulage par série, la manipulation d’images numériques, la découpe au laser, la fabrication d’emporte-pièce de découpage. Il est important de déterminer à partir de quel nombre l’accumulation devient signifiante pour ce concept, pour avoir un objectif en tête. Le temps disponible alloué peut être aussi le facteur déterminant. L’important est que le résultat propose l’accumulation pour donner de la portée à l’élément banal de départ. Souvent, aussi, la sollicitation de la collectivité par les médias sociaux ou par l’espace public (centre commercial, communauté collégiale, club sportif…) peut être une avenue intéressante afin d’accumuler rapidement et efficacement, des objets ou des gestes (des clefs, des contenants, des photographies, des témoignages…).
Exemple de travail d’une étudiante
Joanna avait choisi pour son projet de fin d’études de réaliser une immense fresque en collant des tranches d’amandes pour symboliser l’infiniment petit qui construit l’infiniment grand, et ce, en partant d’une explication philosophique à partir d’un livre de Bernard Werber, « Les voix de la Terre », qui explique que la goutte d’eau seule n’était rien, mais qu’elle formait la vague. A contrario, la vague n’était rien sans la goutte d’eau. Pour l’étudiante, l’amande est une représentation de l’individu dans la masse.
« Cette amande c’est toi, celle-ci c’est ton père, celle-ci est un enfant, celle-ci est un collègue, celle-ci un est président, celle-ci est une amie, celle-ci est moi, celle-ci est un homme, etc. ».
– Joanna Gourdin
Exercice 2 : Le geste répété
À la manière de l’artiste Roman Olpaka, présenté en début de document, le geste répété, tel un mantra, peut devenir une attitude, un processus de méditation ou de rituel, ou même une philosophie de vie. Plusieurs artistes dans l’histoire de l’art ont choisi de reproduire le même geste jusqu’à l’épuisement du corps, de la matière, du temps alloué, de l’espace disponible. Parfois dans un processus de performance ou simplement dans le but que le rassemblement des éléments soit suffisamment impressionnant pour transmettre le message voulu.
Le geste répété peut provenir des techniques propres à l’écriture, au dessin, de la broderie, du tricot. L’estampe, tel que l’expérimente l’artiste François Morelli dans son travail, à l’aide de petits objets du quotidien et d’un tampon encreur, est une technique ludique et rapide afin d’arriver à un résultat intéressant. Il est possible d’utiliser l’empreinte répétée d’un doigt, d’une main. Dans le travail de François Morelli, l’empreinte sert à créer une autre image plus métaphorique par rapport aux objets utilisés pour la constituer.
Exercice 3 : Dessiner avec les éléments de la nature
Au fil des saisons, les éléments de la nature peuvent procurer à l’artiste une panoplie de matériaux accessibles tels que les feuilles, les branches, les cailloux, les fleurs, les balles de neige ou les glaçons afin de créer des amoncellements, de composer des formes géométriques par l’accumulation, sans impact pour l’environnement.
Il est aussi possible de dessiner avec des empreintes de pas, dans le sable, la boue, la neige afin de rendre plus significatif un parcours, un geste, un dessin par la répétition à grande échelle. Dans ce cas, l’utilisation d’un drone peut s’avérer une bonne stratégie dans le processus de réalisation et d’archivage. Il est aussi possible de créer différentes traces, en dessinant avec un bâton dans le sable, avec un bâton brûlé sur la surface d’une pierre, en frottant une pierre sur une autre pierre ou encore en alignant des branches, pierres, feuilles, etc. Bref, les possibilités sont à peu près infinies!
Plusieurs artistes de l’art environnemental ont expérimenté ces moyens d’expression à même la nature. Souvent en tant qu’intervention plus ou moins éphémère. Dans ce cas, les témoignages photo ou vidéo sont omniprésents dans la démarche des artistes afin de témoigner des éléments aménagés avec et dans le paysage. C’est donc un élément important à planifier lors de la réalisation de cet exercice.
Bill Vazan est un artiste canadien né en 1933 à Worcester, Massachusetts. Il utilise des techniques variées, allant de la photographie à la sculpture en passant par la vidéo et l’art de la performance, pour explorer la perception de l’espace et les dimensions temporelles. Vazan est connu pour ses installations en plein air qui utilisent des matériaux tels que la pierre, le métal et le verre pour créer des formes abstraites et organiques. Ses sculptures souvent monumentales invitent le spectateur à interagir avec l’espace et à réfléchir à la relation entre l’homme et son environnement. Il explore les concepts de la présence humaine dans le paysage, de la cartographie et de l’archéologie, et crée des œuvres qui interagissent avec l’environnement. Il explore également les concepts de la transformation et de l’éphémère, tout en mettant en valeur la relation entre l’homme et la nature. Son travail met en évidence la beauté et la complexité des éléments naturels, tout en soulignant leur vulnérabilité face aux forces du temps et de l’environnement.
Sources consultées
– HAKIM, Mona. William (Bill) Vazan, récipiendaire, Prix du Québec, 2010. [https://prixduquebec.gouv.qc.ca/recipiendaires/william-bill-vazan/].
Sources consultées :
– DELGADO, Jérôme. Les méandres du temps et du Land art, Le devoir Arts visuels, 2017. [https://www.ledevoir.com/culture/arts-visuels/502901/dans-les-meandres-du-temps-et-du-land-art].
– « The Centre Of The World (Omphalos – The Navel Of The Earth) By Bill Vazan », [http://www.clements.ca/articles/here-and-there/109-centre-of-the-world].