Jean–Jules Soucy (1951-2022) était un artiste établi à La Baie, région située près de Chicoutimi. L’œuvre pinte est une installation réalisée en 1993 au Musée d’art contemporain de Montréal grâce à la contribution de plusieurs laiteries du Québec et à la participation du public afin d’amasser près de 60 000 récipients de lait en carton de deux litres. Jean-Jules Soucy utilise les matériaux recyclés pour réaliser des œuvres empreintes d’humour tout en interrogeant les conventions du monde de l’art. Dans son processus de création, l’artiste cherche souvent à impliquer les personnes de tous mes milieux dans la réalisation des œuvres afin d’engager une réflexion à l’égard des préoccupations sociales du milieu.
Références du texte
PARÉ, André-Louis. 1994, Jean-Jules Soucy : Œuvre pinte, Espace sculpture, numéro 81, 18–18, 2007.
Musée d’art contemporain, responsable Réal Lussier (s, d), Événement : Exposition, Jean-Jules Soucy, 1993-12-10 /1994-01-23, MAC Répertoire, [https://macrepertoire.macm.org/evenement/jean-jules-soucy-l-oeuvre-pinte/].
De zéro à l’infini: de l’insignifiant au signifiant
Dans le processus créateur, l’accumulation du geste, d’objets, ou d’éléments répétés à l’infini est une manière pour l’artiste d’attirer l’attention sur le message qu’il veut communiquer par l’œuvre. C’est une façon de donner de l’importance à un élément qui d’abord peut paraître insignifiant. Par exemple, la confection de quelque chose qui normalement nécessite peu de temps, tel que faire un pliage de papier. Si l’on répète le même pliage de papier deux fois, cela n’a pas plus d’incidence que de créer une paire. Mais qu’en est-il si l’on renouvelle le geste 1 000 fois? À ce moment, le résultat de l’amoncellement des pliages devient plus impressionnant. Ainsi, plusieurs artistes articulent leur démarche créatrice par la juxtaposition, l’énumération et/ou la superposition des éléments afin de rendre le message signifiant. Plusieurs avenues peuvent être explorées selon le principe de créativité qui naît de l’accumulation.
- Exploration formelle : Certains artistes utilisent la répétition ou l’accumulation pour explorer les possibilités formelles et esthétiques d’un geste ou d’un élément. Ils peuvent être attirés par les motifs, les textures ou les rythmes créés par la répétition, et cherchent à expérimenter les variations et les effets visuels résultant de cette répétition.
- Exploration conceptuelle : L’accumulation ou la répétition peut également être utilisée par les artistes pour exprimer des idées ou des concepts spécifiques. Par exemple, en accumulant des objets du quotidien, un artiste peut vouloir souligner la surconsommation. La répétition d’un geste peut symboliser la persévérance, la monotonie ou la routine.
- Narration ou commentaires sociaux : L’accumulation ou la répétition peuvent être utilisées pour raconter une histoire ou faire des commentaires sur des problèmes sociaux. Par exemple, l’accumulation d’un geste ou d’un élément connoté peut raconter un génocide comme celui de l’holocauste.
- Processus de méditation ou de rituel : Certains artistes utilisent la répétition ou l’accumulation comme un processus de méditation ou de rituel. En se concentrant sur un geste répétitif ou en accumulant des éléments de manière systématique, ils peuvent atteindre un état d’immersion et de contemplation, et créer ainsi une œuvre qui reflète cette expérience.
- Intervention et engagement envers la communauté : Le processus d’accumulation peut être fait afin de tisser une relation avec la communauté. Par exemple de récolter des données afin que les statistiques deviennent des œuvres créées en utilisant un système de numération qui reflète l’importance des statistiques. Faire appel à la communauté pour récolter des objets spécifiques. Réaliser des œuvres à l’aide de groupe d’individus ou de la communauté Internet. Par exemple chacun fait une partie de dessin, photo, enregistrement vidéo ou sonore afin de créer une œuvre mosaïque. Les médias sociaux aujourd’hui peuvent constituer une toile collaborative intéressante.
L’art actuel tend à revisiter certaines traditions, telles que le tricot, le pliage de papier, le rapiéçage, le tissage, qui font partie d’un folklore identitaire. On revisite ces techniques d’assemblage traditionnelles en les actualisant par l’utilisation de matériaux industriels, de nouvelles techniques numériques ou virtuelles, ou en utilisant des matières ou des objets récupérés parfois chargés d’un passé ou d’une identité. C’est la quantité, l’accumulation du geste, qui fait la valeur de l’œuvre; qui la rend importante. L’insignifiant devient alors signifiant.
« Notre terre n’est qu’un point parmi un million d’étoiles dans le cosmos. Les pois sont un chemin vers l’infini. Lorsque nous effaçons la nature et notre corps avec des pois, nous devenons partie intégrante de l’unité de notre environnement ».
– Yayoi Kusama
Un peu d’histoire… Les gestes répétés
Dans plusieurs religions, le geste répété est très souvent associé à la prière. Par exemple, les différentes religions hindouistes, bouddhistes ou Tibétaines, procèdent à des rituelles qui impliquent la fabrication de mandalas de poudre de riz, de fleurs ou de grains de sable colorés pendant un rituel de prière. Les mandalas sont des motifs géométriques circulaires qui sont utilisés dans différentes traditions spirituelles et culturelles à travers le monde. Le mot « mandala » vient du sanskrit et signifie « cercle ». Les mandalas sont souvent considérés comme des représentations symboliques de l’univers, de la totalité ou de l’unité. La construction du mandala est en elle-même une pratique spirituelle qui dure plusieurs jours et est généralement exécutée dans le but d’une offrande et c’est aussi un signe de reconnaissance. Le mandala est ensuite « détruit » et le sable est rassemblé devant tout le monde pour une offrande spirituelle à une divinité. Les mandalas sont aussi là pour montrer que tout est éphémère. Ils se veulent un symbole de non-violence, un outil de connaissance, mais aussi un guide vers différentes sagesses.
Sources consultées
« Mandala », [En ligne], dans Wikipédia, [http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Mandala&oldid=199440395] (Consulté le 12 décembre 2022 à 20 h 2).
Savoir média, Mandala : art éphémère et lâcher-prise, Coordination : Patrick Douville Caméra, montage et réalisation : Jean-Luc Daigle, Technicienne en production régionale : Marie-Josée Desjardins, Jean-François, Mathieu et Denis du Musée des Religions du monde de Nicolet, 2018,
[https://www.lafabriqueculturelle.tv/capsules/11017/mandala-art-ephemere-et-lacher-prise].
Tu peux voir des mandalas ou objets de rituels réalisés selon le principe de rituel ou culte simplement en faisant une recherche avec le mot « mandalas ».
Le néo-impressionnisme ou le pointillisme
Le néo-impressionnisme se définit comme un mouvement artistique qui a émergé à la fin du 19e siècle, principalement en France. Ses caractéristiques dérivent de la technique du mélange optique*, employée par les peintres impressionnistes. En effet, les peintures des impressionnistes étaient réalisées en plein air, ainsi les touches de couleurs distinctes déposées à la hâte sur la surface de la toile pour en capter les atmosphères lumineuses changeantes vont occasionner le mélange des couleurs dans l’œil de l’observateur plutôt que sur la palette. Le néo-impressionnisme se démarque toutefois du style esquissé de l’impressionnisme par une technique beaucoup plus systématique qui se définit par une multitude de points de couleurs pures juxtaposés sur la toile afin de former les sujets dans la composition picturale.
La technique des néo-impressionnistes est aussi nommée pointillisme ou divisionnisme en raison des petites touches distinctes de couleurs pures appliquées côte à côte sur la toile. La technique est si laborieuse qu’elle peut être comparable à celle de la confection d’une tapisserie puisque les points sont presque dessinés individuellement. Cette technique plus systématique et organisée aura aussi pour effet de rendre les sujets représentés plus statiques que dans les œuvres impressionnistes ou les touches sont fluctuantes (fouettées sur la surface de la toile). Toutefois, cette technique aura la grande qualité d’amener beaucoup de lumière aux œuvres par une vibration des contrastes simultanés d’où l’appellation de chromoluminarisme donné au courant.
Explore quelques œuvres de George Seurat pour découvrir à quoi peut ressembler la technique du pointillisme
Sources consultées
GEORGEL, Pierre. « NÉO-IMPRESSIONNISME », [En ligne], dans Encyclopædia Universalis, [https ://www.universalis.fr/encyclopedie/neo-impressionnisme/] (Consulté le 5 juin 2023).
FARTHING, S. Tout sur l’art; mouvements et chefs d’œuvres, Montréal, Hurtubise, 2010.
Roman Olpaka de zéro à l’infini
À partir de 1965, l’artiste polonais Roman Olpaka (1931-2011) commence un projet qui sera celui de sa vie. Il entreprend une démarche conceptuelle par laquelle il souhaite matérialiser le temps en peinture. Il commence donc de peindre la suite des nombres de 1 à l’infini sur des toiles de format identique (196 x 135 cm). Cette série d’œuvres dont il poursuivra la réalisation jusqu’à sa mort se nomme « Détails ». Dans le premier tableau 1965/1 -∞(détail 1-35327), les chiffres sont peints en blanc à l’aide d’un pinceau de taille 0 sur un fond noir. L’écriture commence dans le coin supérieur gauche et progresse de gauche à droite, dans le sens de lecture occidentale.
En 1972, Opalka pousse son concept encore plus loin. À chaque nouveau tableau, il ajoute 1 % de blanc à la couleur de fond noire. Ainsi, vers 2008 les fonds noirs d’origine seront devenus presque blancs, et les nombres peints en blanc seront presque devenus invisibles.
Deux autres démarches accompagnent son processus et projet de vie artistique. L’une d’elles consiste à prendre des autoportraits photographiques à chaque fois qu’il termine une séance de travail. Toujours devant un fond blanc selon le même protocole : cadre serré, éclairage lumineux et régulier, fond blanc, chemise blanche, cheveux qui blanchissent, donnant l’impression qu’il disparaîtra dans le fond blanc. L’autre démarche accompagne ses séances de peinture en enregistrant le son de sa voix récitant les nombres au fur et à mesure que ceux-ci sont tracés sur la toile. Toujours dans ce projet de « capture » du temps, de l’instant.
Sa démarche est similaire à celle des moines copistes du moyen âge dont la tâche était de recopier et d’illustrer les livres avant l’invention de l’imprimerie occidentale moderne par Johannes Gutenberg vers 1454.
Explore quelques œuvres de Roman Olpaka pour découvrir à quoi peut ressembler la technique que l’artiste a développée afin de concrétiser le passage du temps par son action artistique
Sources consultées
« Roman Olpaka », 1965/1 – ¥, Biographie et Démarche, 2019. [http://www.opalka1965.com/fr/index_fr.php].
« Roman Opałka », [En ligne], dans Wikipédia, [http ://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Roman_Opa%C5%82ka&oldid=204831749] (Consulté le 2 juin 2023 à 13 h 8].
« Roman Opałka », Opalka 1965 -∞, la hune, libraire éditeur, p. 15.