Nos meilleures œuvres sont nos pires ennemis! C’est ce que je crois et ce que j’enseigne depuis tellement d’années. En effet, ce que l’on considère un bon coup, une œuvre réussie, a tendance à devenir un modèle ou une recette que l’on cherche à répéter. Parce que c’est beaucoup plus facile de travailler dans un univers connu que de chercher de nouvelles solutions, et ce, surtout si l’on a un échéancier, une rémunération ou une note académique reliés à ce projet de création.

Comment réussir à stimuler la créativité et la génération d’idées nouvelles? Comment repousser les limites de la pensée conventionnelle? Comment explorer un sujet, un matériau, une technique ou une démarche artistique par une nouvelle approche ou différentes perspectives? La technique du concassage peut aider l’artiste à sortir de sa zone de confort, à repenser ses approches habituelles et à trouver des solutions artistiques innovantes. C’est un procédé qui peut aider à surmonter les blocages créatifs, à découvrir de nouvelles voies d’expression et à repousser les frontières de l’art.

Dans l’application des méthodes de la créativité, le processus du concassage est aussi identifié par l’acronyme SCAMMPERR. L’invention de cette approche de créativité serait attribuée à Alex Osborn (1888-1966) qui était un publicitaire américain qui a largement contribué à révolutionner les pratiques de résolution de problèmes et de développement de nouvelles idées dans de nombreux domaines. Toutefois, la technique du concassage sous forme de l’acronyme SCAMMPERR aurait été développée par Bob Eberle (1934-1956). Ce modèle offre une structure permettant de générer des idées créatives et de résoudre des problèmes en remettant en question les hypothèses traditionnelles et en favorisant l’émergence de nouvelles perspectives grâce à une série de questions.

La technique du concassage vise à libérer pleinement l’imagination en explorant une liste de verbes d’action liés à l’objet ou au sujet étudié. La liste des verbes qui a été originellement imaginée pour l’application de la technique se présente avec une liste de mots débutant par les lettres qui composent le mot : SCAMMPERR. Chaque verbe suggère une question à poser en lien avec le problème à résoudre.

En ce qui concerne le domaine spécifique aux arts visuels, la technique du concassage peut être définie comme une approche artistique où des éléments ou matériaux sont délibérément brisés, déconstruits ou fragmentés pour créer de nouvelles formes et de nouvelles significations.

Cela peut impliquer le concassage physique d’objets, tels que des sculptures ou des matériaux, ou le concassage conceptuel d’idées et de conventions artistiques établies. Ce processus permet de remettre en question les notions de forme, de structure et de perception, offrant ainsi de nouvelles possibilités d’expression et d’interprétation artistiques. Cette approche créative permet entre autres de rechercher de nouvelles perspectives d’expression, en rupture avec les normes artistiques établies, et d’explorer de nouvelles possibilités.

Sur le plan de la pratique artistique, différentes situations peuvent encourager l’artiste à revoir sa production à l’aide de stratégies créatives comprises dans la technique du concassage. Par exemple, pour permettre de regarder sa propre production sous différents angles et d’explorer de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux et de nouveaux modes d’expression. Il peut arriver, au cours d’une longue carrière artistique, qu’un artiste se questionne sur le sens de sa démarche artistique et qu’il désire recadrer, modifier, adapter certaines de ses œuvres, ses projets ou même l’entièreté de sa démarche artistique.

Revisiter une œuvre déjà réalisée est une chose courante dans le monde de l’art; il arrive très souvent qu’un artiste réalise plusieurs versions d’une même œuvre ou en modifie les paramètres afin de l’adapter à un nouveau contexte d’exposition. Par exemple, si une œuvre a été produite pour être exposée à l’intérieur et qu’elle doit être plutôt installée dans un environnement extérieur.

Voici un exemple de recadrage d’une de mes œuvres que j’ai transformé en sculpture végétale.

Édith Croft, La saule pleureur, sculpture de jardin, collection privée

Lieu : 139, chemin de la pointe, Rivière-Ouelle
Matériaux : bois de pin, bronze, acier et résine époxy
Dimensions : hauteur de 307 cm, largeur avec les ailes de 215 cm, diamètre de 76 cm

Édith Croft, La métisse à la robe de satin blanc, 2021, sculpture végétale

Lieu d’exposition : Manoir Fraser, Rivière-du-Loup
Matériaux : résine de fibre de verre, structure d’acier, boyaux suintants, géotextiles et végétaux,
Dimensions : hauteur de 307 cm, largeur avec les ailes de 215 cm, diamètre de 178 cm

D’autre fois, l’artiste doit adapter une œuvre à un thème afin de participer à un concours ou une invitation d’exposition. Il est aussi possible de devoir adapter un projet existant afin d’inclure la participation du public. Ainsi, la technique du concassage peut être employée pour chercher de nouvelles idées ou de nouvelles formes à partir d’un objet ou d’un sujet existant. Nous vous proposons donc une trousse de départ qui permet d’expérimenter quelques techniques attribuées au concassage. Bonne découverte!

Modifier l’échelle

La technique du concassage en créativité comporte plusieurs possibilités d’altération de l’idée afin de pousser plus en avant le concept. L’une de ces méthodes de transformation, qui est souvent utilisée en arts visuels, repose sur le principe de la modification d’échelle de l’œuvre entière ou de l’une ou plusieurs de ses composantes.

Pervertir l’objet

Pervertir l’objet en création artistique consiste à dénaturer la fonction initiale d’un élément. Il s’agit de détourner l’objet de l’utilisation pour laquelle il est prévu. Cette corruption du sens de lecture de l’œuvre donne à la compréhension un dénouement inattendu parfois humoristique, sarcastique ou critique.

Recadrer

En 2009, Sarah Anne Johnson a été invitée par la Farm Foundation à participer à un nouveau programme où un groupe d’artistes, de militants et de scientifiques ont voyagé jusqu’au cercle arctique pendant 21 jours et ont créé des œuvres sur leur expérience. Les photographies qu’elle a prises là-bas sont devenues la base d’Arctic Wonderland. Les images sont manipulées par des interventions de gravure, de peinture, de sablage et de dessin, créant des scènes de célébration qui contrastaient ironiquement avec les paysages hantés et désolés de l’Arctique. L’artiste cherche à mettre en avant leur beauté naturelle des paysages et à attirer l’attention sur les préoccupations du réchauffement climatique.

Un autre atout à ne jamais négliger dans la recherche créative est une approche par le jeu qui rendra l’activité beaucoup plus ludique.